Maximilien Meurs, Responsable de l'ingénierie de formation à l'institut de formation de la CFTC, tire un bilan du e-learning dans la formation des militants. L'institut a très vite répondu aux usages qui étaient privilégiés par les apprenants. Vers le social learning ? C'est bien le moins dans l'univers syndical !
Pourquoi la CFTC a-t-elle décidé de former ses militants en ligne ?
Maximilien Meurs : L’activité syndicale qui permet un dialogue social ouvert et constructif nécessite toujours plus de compétences, dans des domaines variés : droit du travail, communication, management d’équipe, etc. On peut dire qu'un représentant du personnel est aujourd’hui une sorte de "couteau suisse" offrant les différents savoir-faire utiles aux salariés de son entreprise !
Pendant longtemps l'institut de formation de la CFTC leur a proposé exclusivement des actions de formation en présentiel, certes performantes, mais dont le rythme ne permettait plus de suivre le train accéléré des réformes législatives… Attendre plusieurs mois pour bénéficier d'une formation en présentiel n'était plus acceptable pour nos militants.
C’est pourquoi nous avons développé et lancé un portail formation en décembre 2016, accessible à l'ensemble de nos 140 000 militants. Le déploiement de cet outil digital, qui a été considéré comme une innovation significative dans l’univers syndical, a permis à nos militants d’apprendre, de découvrir et d’échanger sur toutes les problématiques rencontrées au quotidien.
Quel retour sur presque deux ans de fonctionnement ?
Maximilien Meurs : Nous avons conçu de nombreux contenus de formation en interne et donné accès à toutes les ressources produites par la CFTC. Tous ces savoirs sont accessibles en libre-service, sans intermédiaire : c’est l’apprenant qui décide lui-même de consulter ce dont il a besoin. Résultat : le succès du portail a été immédiat ! 4000 personnes se sont déjà formées, et les statistiques montrent que les apprenants reviennent régulièrement sur la plateforme. Si les premiers modules e-learning "classiques" conçus avec un LCMS scormé ont fait un flop, la composition "video-documentation-quizz" a en revanche été plébiscitée. Le digital learning sous forme d'unités d'apprentissage de 7 à 12 minutes, utilisant massivement le format vidéo, est aujourd'hui massivement apprécié par nos apprenants.
Autre surprise : l'amplitude qu'a pris le social learning offert sur le portail : grâce à un réseau social ouvert et accessible dès la page d’accueil, les apprenants coproduisent les savoirs transmis ; cette lame de fond a changé toute notre stratégie pédagogique. Les apprenants assurent un "mini coaching" auprès de leurs pairs : chacun est tour à tour apprenant et formateur. L'isolement est rompu, des réponses concrètes et personnalisées sont apportées à tout un ensemble de problématiques terrain. Chacun se sent valorisé, reconnu par ses pairs, dans un univers, rappelons-le, où l’engagement syndical n’est pas toujours bien vu. C'est très positif !
Comment allez-vous faire évoluer le projet de ce portail ?
Maximilien Meurs : Le portail de formation nous a permis d'entrer dans une logique de formation continue qui épouse souplement les besoins de nos militants sur le terrain. Rapprocher l'apprentissage de la situation de travail est un autre avantage de cette approche : on sort de la "formation événement" ! Si un salarié pose localement une question, par exemple en droit du travail, à laquelle un militant CFTC n'aurait pas la réponse, celui-ci peut immédiatement interroger le portail de formation via son smartphone, et apporter une réponse en la commentant de façon détaillée. Ce glissement d’une action formation à un dispositif continu à la demande ressemble beaucoup à ce qu'on voit aussi dans la formation en entreprise ; les similitudes ne s’arrêtent pas là : nos apprenants doivent se responsabiliser sur le développement de leurs compétences, notamment en cherchant les ressources dont ils ont besoin et en organisant leur emploi du temps en conséquence.
Nous allons poursuivre sur cette voie d'une CFTC devenue organisation apprenante, en créant un environnement global d'apprenance où chacun contribue directement ou indirectement au développement des compétences individuelles et collectives. Une organisation dans laquelle les outils numériques ont forcément une place centrale. Le chemin est encore long, mais notre mouvement est en ordre de marche.
Quels sont les freins ou les risques de ce nouveau dispositif ?
Maximilien Meurs : Il nous faut faire attention à ne laisser aucun militant sur le bord du chemin. Heureusement, mis à part quelques cas "technophobes" isolés, nos militants ont joué le jeu et disposé du matériel pour se connecter au portail. Pas de fracture numérique, donc, mais une fracture « pédagogique » qu'il nous a fallu réduire : une vraie inégalité peut se creuser entre ceux qui sont autonomes et ceux qui ont besoin d'un accompagnement dans l'acquisition de nouveaux savoirs. C'est un grand défi que nous aurons à relever dans le futur.
Propos recueillis par Michel Diaz
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